
LETTRE DU CABINET – SEPTEMBRE 2025
Urbanisme – Limitation dans le temps du pouvoir de mise en demeure
Dans un avis n°503768 du 24 juillet 2025, rendu à la demande du Tribunal administratif de Montpellier, le Conseil d’Etat a décidé d’enserrer la faculté pour le Maire de faire usage de ses pouvoirs de mise en demeure de régularisation sous astreinte prévus par l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme dans le délai de prescription sexennale à compter de l’achèvement des travaux la faculté.
« En subordonnant l’exercice des pouvoirs dont les articles L. 481-1 et suivants du code de l’urbanisme investissent l’autorité administrative compétente au constat préalable d’une infraction pénale par un procès-verbal dressé en application de l’article L. 480-1 du même code, le législateur, dont il résulte des travaux préparatoires qu’il a entendu doter cette autorité de moyens propres d’action en présence d’infractions commises en matière d’urbanisme, sans préjudice de l’engagement de poursuites pénales à l’encontre de leurs auteurs, doit être regardé comme ayant exclu que ces pouvoirs puissent être mis en œuvre pour remédier à une méconnaissance des règles relatives à l’utilisation des sols ou des prescriptions d’une autorisation d’urbanisme au-delà du délai de prescription de l’action publique. Conformément à l’article 8 du code de procédure pénale, s’agissant de faits susceptibles de revêtir la qualification de délits, et sous réserve de l’intervention d’actes interruptifs de la prescription, ce délai est de six années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise, c’est-à-dire, en règle générale, de l’achèvement des travaux. »
Par cet avis, dans le silence de la loi et par souci de cohérence, le Conseil d’Etat aligne donc le délai de mise en demeure de régularisation sur le délai de prescription de l’action pénale.
Le Conseil d’Etat a également apporté une précieuse précision concernant les travaux successivement réalisés de façon irrégulière, c’est-à-dire le cas dans lequel l’infraction constatée repose sur des travaux entrepris sur une construction existante irrégulière à l’égard de laquelle l’action pénale est prescrite.
Dans ce cas,
- « seuls les travaux à l’égard desquels l’action publique n’est pas prescrite peuvent ainsi donner lieu à la mise en demeure prévue par l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme» ;
- la régularisation de ces travaux, non couverts par la prescription, doit inclure « l’ensemble de la construction», en ceux compris les premiers travaux bénéficiant de la prescription pénale[1].
- Si la régularisation globale n’est pas possible au regard des règles d’urbanisme en vigueur, le mise en demeure de remise en état ne pourra porter que sur les travaux modificatifs à l’exclusion donc d’une démolition ou modification des parties de la construction achevées depuis plus de six ans[2].
Délais | Action(s) |
6 ans | – Action pénale
– Mise en demeure de régularisation (article L. 481-1 du code de l’urbanisme) |
10 ans | – Action civile de démolition ou de mise en conformité (article L. 480-14 CU)
– Pouvoir d’exiger la régularisation des travaux anciens réalisés en méconnaissance des règles urbanisme (sauf exceptions visées à l’article L. 421-9 CU). |
Absence de délai | – Danger grave et imminent : mesure prescrite au titre du pouvoir de police administrative générale (Article L. 2212-4 du CGCT) |
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[1] Il s’agit ici de l’application classique de la jurisprudence Thalamy et de ses extensions Ely et De La Marque voulant que la régularisation des travaux modificatifs englobe la construction initiale édifiée irrégulièrement sous réserve de la prescription administrative prévue à l’article L. 421-9 et de ses exceptions.
[2] Voir les conclusions éclairantes de M. Florian ROUSSEL, rapporteur public.