LETTRE DU CABINET – SEPTEMBRE 2022

LETTRE DU CABINET – SEPTEMBRE 2022

Posted by Cabinet Gil-Fourrier & Cros in Publications internes 30 Sep 2022

Environnement : préservation de la ressource en eau destinée à la consommation humaine, et reconnaissance du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé comme une liberté fondamentale

 

 

  • Droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine :

 

La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique avait créé les articles L. 218-1 à L. 218-14 du code de l’urbanisme instituant un droit de préemption des surfaces agricoles situées dans les aires d’alimentation de captages utilisés pour l’alimentation en eau destinée à la consommation humaine, avec comme objectif de préserver la qualité de la ressource en eau.

 

En phase avec la sécheresse sévère constatée en 2022, le décret n° 2022-1223 du 10 septembre 2022 relatif au droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine fixe les modalités d’application de ce droit (articles R. 218-1 à R. 218-21 du code de l’urbanisme).

 

Les titulaires de ce droit de préemption sont la commune, le groupement de communes ou le syndicat mixte exerçant la compétence de contribution à la préservation de la ressource en eau.

 

Les communes ou autres groupements exerçant la compétence « eau » doivent délibérer pour solliciter l’institution du droit de préemption auprès du Préfet, qui est compétent pour délimiter le périmètre sur lequel il s’applique.

 

Le Préfet sollicite ensuite l’avis des personnes publiques associées mentionnées au nouvel article R. 218-4 du code de l’urbanisme (communes et EPCI avoisinants, chambres départementales et régionales d’agricultures, etc.).

 

Le Préfet dispose d’un délai de six mois pour prendre un arrêté instituant le droit de préemption, désignant son titulaire, délimitant le périmètre sur lequel il s’applique, et précisant les considérations de droit et de fait qui le motivent.

 

Les espaces concernés par ce droit de préemption sont identiques à ceux prévus pour le droit de préemption sur les espaces agricoles (1er, 2e, 5e, 6e et 7e alinéas de l’article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime) : biens immobiliers à usage agricole, terrains nus à vocation agricole et certains bâtiments d’habitation faisant partie d’une exploitation agricole.

 

Le décret du 10 septembre 2022 précise la procédure applicable, comparable à celles du droit de préemption urbain et des espaces naturels sensibles.

 

Il détermine enfin les règles applicables à la cession, à la location et à la mise à disposition temporaire par les personnes publiques des biens acquis par préemption (appel à candidatures, possibilité de mise à la disposition d’une SAFER).

 

 

  • Le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé est une liberté fondamentale :

 

Dans un arrêt du 20 septembre 2022, n° 451129, le Conseil d’État a jugé que « le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ».

 

Rappelons ce qu’est le « référé-liberté » prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

 

Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures.

 

L’arrêt de ce 20 septembre est d’importance en ce qu’il inscrit le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, déjà reconnu comme un objectif à valeur constitutionnelle par le Conseil Constitutionnel, parmi les libertés fondamentales pouvant justifier l’intervention du juge du référé-liberté.

 

Au-delà de cette consécration, les conditions propres à l’admission d’un référé liberté restent requises.

 

Le requérant doit démontrer qu’« une atteinte grave et manifestement illégale du fait de l’action ou de la carence de l’autorité publique » est susceptible d’être portée à ses conditions ou son cadre de vie, ou aux intérêts qu’il entend défendre.

 

Le requérant doit également justifier de « circonstances particulières » caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier, dans le très bref délai prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative (48 heures), d’une mesure de sauvegarde de la nature de celles pouvant être ordonnées en vertu de cet article.

 

Enfin, pour ordonner les mesures nécessaires à la sauvegarde de la liberté fondamentale en cause (il était ici question d’un risque d’atteinte à des espèces protégées et à leurs habitats), le juge du référé liberté doit tenir compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a déjà prises.

 

Ainsi, le référé liberté étendu au droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé s’avère contraint et probablement difficile à mettre en œuvre avec succès au regard de la gravité de l’atteinte qu’il est nécessaire d’établir.

 

Comme l’exposait M. Philippe RANQUET, rapporteur public, dans le cadre de ses conclusions sous la décision rapportée, la caractérisation d’une atteinte grave nécessiterait de justifier de l’importance de la destruction d’une espèce protégée et de son habitat « sur l’équilibre et la conservation de l’espèce ».