LETTRE DU CABINET – NOVEMBRE 2024
Autorisations environnementales – ICPE/Espèces protégées – Absence de régularisation possible en cas d’atteinte significative à l’un des intérêts protégés par la police des ICPE
Le 6 novembre 2024, le Conseil d’État a rendu une décision précisant d’une part l’office du juge au titre de ses pouvoirs de régularisation et d’autre part l’articulation, dans le cadre des autorisations environnementales, entre la police des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et la police des dérogations « espèces protégées » (DEP) (CE, 06 novembre 2024, Société Gourvillette Energies, n°477317).
Concernant la police des ICPE, l’article L. 511-1 du code de l’environnement prévoit un large champ d’intérêts, dont « la protection de la nature » et « de l’environnement », qu’il incombe à l’administration de protéger en édictant les prescriptions nécessaires à leur préservation lorsqu’elle délivre une autorisation ou en opposant un refus si aucune prescription ne permet de rendre acceptable l’atteinte portée à ces intérêts.
De son côté, l’article L.411-2 du même code encadre strictement les autorisations délivrées pour déroger aux interdictions principielles de destruction ou de perturbation des espèces protégées et de leurs habitats.
En l’espèce, la société Gourvillette Energies, qui avait obtenu une autorisation environnementale pour l’installation de quatre éoliennes, contestait l’annulation sèche de cette autorisation environnementale au titre d’une atteinte significative à l’avifaune et aux intérêts protégés par l’article L. 511-1 du code de l’environnement sans qu’il lui ait été permis de la régulariser, comme l’autorise le code de l’environnement, par l’obtention d’une DEP.
Le Conseil d’État considère que le juge administratif peut annuler une autorisation environnementale, sans recourir aux possibilités de régularisation offertes par le code, si le projet porte atteinte à la conservation d’espèces protégées et donc à l’un des intérêts protégés par l’article L. 511-1 du code de l’environnement, dès lors que le risque d’atteintes est caractérisé et qu’aucune prescription n’est susceptible de prévenir de manière suffisante les atteintes portées à l’état de conservation de ces espèces protégées.
Il estime donc que le filtre de l’article L. 511-1 du code de l’environnement peut suffire à bloquer un projet au regard des atteintes susceptibles d’être portées à la conservation d’espèces protégées, sans qu’il soit nécessaire de mobiliser l’article L.411-2 du même code et sans attendre que soit instruite une demande de DEP dans le cadre d’une régularisation.
Cette position s’entend aisément. Lorsque l’atteinte est particulièrement significative, aucune mesure d’évitement, de réduction ou de compensation, même celles susceptibles d’être discutées dans le cadre de la DEP, n’est de nature à rendre acceptable le risque d’atteinte aux intérêts protégés par la police des ICPE. Il serait donc vain d’exiger du juge administratif qu’il ouvre un processus de régularisation qu’il sait voué à l’échec.