
LETTRE DU CABINET – JUIN – JUILLET 2025
Contentieux administratif – Vent d’harmonisation sur la computation des délais de recours
Pendant longtemps, le Conseil d’Etat avait estimé qu’en matière de recours contentieux (saisine de la juridiction administrative) et en matière de recours administratifs (gracieux et hiérarchiques), le respect des délais de recours devait être analysé au regard de la date de réception du recours soit au greffe de la juridiction, soit dans les services de l’administration.
Par une décision du 13 mai 2024, n°466541, le Conseil d’Etat avait déjà fait évoluer sa position sur les recours contentieux, en estimant que c’était la date d’envoi qui devait permettre la computation du délai de recours de deux mois, défini à l’article R. 421-1 du code de justice administrative.
A l’époque, le Conseil d’Etat avait été guidé dans cette voie par son rapporteur public Jean-François de Montgolfier (conclusions sur Ariane Web) qui se fondait notamment sur la suppression de la distribution postale en deux jours ouvrables (timbre rouge) au profit de celle en trois jours (timbre vert généralisé). Il en résultait une inégalité entre ceux qui utilisaient Télérecours et ceux qui continuaient à saisir le greffe par voie postale.
Dès lors, il ne restait plus qu’une situation où la jurisprudence continuait de regarder la date de réception des recours pour en estimer la recevabilité, et il s’agissait de celle où le requérant, avant de saisir la juridiction, avait réalisé un recours administratif pour proroger le délai de recours contentieux. En réalité, seuls deux types de recours administratifs étaient visés : gracieux et hiérarchique. En effet, pour les recours administratifs préalables obligatoires, le Conseil d’Etat se plaçait déjà à la date de la réception (CE, 25 juillet 2005, n°271916).
Ainsi, jusqu’alors, pour qu’un recours administratif ait pu avoir pour effet de proroger le délai de recours contentieux, il fallait qu’il ait été reçu par l’administration avant l’expiration du délai de recours initial de deux mois.
Par sa décision n°494573 du 30 juin 2025, le Conseil d’Etat harmonise purement et simplement sa jurisprudence : désormais, et sauf disposition contraire, le respect des délais de recours s’analysera toujours au regard de la date d’envoi du recours gracieux ou hiérarchique, le cachet de la poste faisant foi.
« Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, telles les dispositions relatives à la contestation des élections politiques ou celles prévoyant des délais exprimés en heures ou expirant à un horaire qu’elles précisent, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l’expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi. Il en va de même pour apprécier si un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, a pour effet de conserver ce délai. »
Tenant ce revirement, ainsi que le relevait le rapporteur public, on ne saurait que trop conseiller aux administrations de sécuriser leurs actes en conservant dès lors l’enveloppe qui accompagne le recours gracieux ou hiérarchique, notamment dans l’hypothèse où ce recours n’est pas envoyé par LRAR puisque c’est alors sur elle que pèsera la charge de la preuve.