LETTRE DU CABINET – JUIN 2022

LETTRE DU CABINET – JUIN 2022

Posted by Cabinet Gil-Fourrier & Cros in Publications internes 30 Juin 2022

L’obligation d’exécution d’office des décisions pénales ordonnant la remise en état des lieux :

Point de départ de l’obligation d’exécution forcée, articulation avec l’astreinte et responsabilité

 

L’article L. 480-4 du code l’urbanisme sanctionne pénalement le non-respect des règles d’urbanisme. En application de l’article L. 480-5 du même code, le juge pénal peut enjoindre au contrevenant d’avoir à mettre les lieux ou les ouvrages en conformité avec la réglementation par la démolition des ouvrages irréguliers et la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur.

Par sa décision Ministre de la transition écologique du 5 avril 2022[1], le Conseil d’État a précisé l’articulation entre l’astreinte susceptible d’être prononcée par le juge pénal au titre de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme et l’exécution d’office prévue par l’article L. 480-9 du même code.

Pour assurer l’exécution et l’effectivité des jugements rendus par le juge judiciaire, l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme permet au juge pénal d’impartir au bénéficiaire des travaux irréguliers un délai pour la remise en état des lieux et d’assortir l’injonction d’une astreinte.

De plus, l’article L. 480-9 du code de l’urbanisme dispose que si à l’expiration du délai fixé par le juge pénal, la remise en état ou la démolition n’est pas effective, alors « le maire ou le fonctionnaire compétent peut faire procéder d’office à tous travaux nécessaires à l’exécution de la décision de justice » aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers.

La rédaction de l’article L. 480-9 précité pouvait laisser penser que l’exécution d’office constitue une simple faculté.

La décision Ministre de la transition écologique du 5 avril 2022 apporte une réponse sans équivoque.

D’une part, l’article L. 480-9 du code de l’urbanisme institue une véritable obligation à laquelle est tenue l’autorité compétente de faire procéder aux travaux nécessaires à l’exécution de la décision de justice.

D’autre part, en confirmant que « la liquidation de l’astreinte prévue à l’article L. 480-7 [ne constitue] ni un préalable ni une alternative à la mise en œuvre d’office des travaux nécessaires à l’exécution de la décision rendue par le juge répressif »[2], le Conseil d’État précise que l’obligation prend effet à l’expiration du délai fixé par le juge pénal « indépendamment du prononcé éventuel d’une astreinte par le juge ou de sa liquidation par l’État ».

 

Par ailleurs, dans la continuité de sa décision M. Spotbeen de 2019[3], le Conseil d’Etat reprend les trois hypothèses pouvant conduire l’administration à ne pas procéder à l’exécution d’office :

  • Pour des motifs tenant à la sauvegarde de l’ordre ou de la sécurité publics ;
  • En cas d’atteinte à des droits acquis par des tiers sur les lieux ou ouvrages en cause ;
  • En cas de délivrance d’une autorisation de régularisation[4].

 

Le Conseil d’État rappelle également que le refus de faire procéder d’office aux travaux de remise en état est susceptible d’engager la responsabilité, pour faute et sans faute, de l’État[5] :

  • Si l’administration refuse de faire procéder d’office aux travaux permettant l’exécution de la décision du juge pénal, sans motif légal, sa responsabilité pour faute peut être engagée.
  • Dans le cas d’un refus légal, la responsabilité sans faute de l’administration peut être recherchée sur le fondement d’une rupture d’égalité devant les charges publiques.

 

 

Pour résumer, lorsqu’une mesure de remise en état a été prononcée par la juridiction pénale, le maire doit, à l’issue du délai fixé par cette dernière, procéder à l’exécution forcée de la décision de justice, et ce, indépendamment de la liquidation de l’astreinte. Si l’obligation de procéder à l’exécution forcée au terme du délai fixé par le juge pénal n’est pas respectée, alors le maire engage la responsabilité de l’administration.

 

[1] CE, 5 avril 2022, n°447631, aux conclusions de Monsieur Clément Malverti, Rapporteur public.

[2] CAA Marseille, 15 octobre 2020, n° 19MA00619.

[3] CE, 13 mars 2019, M. Spotbeen, n°408123.

[4] CE, 8 juillet 1996, P…, n° 123437.

[5] Le maire agissant au nom de l’État