
LETTRE DU CABINET – AVRIL 2025
Urbanisme – L’obligation de préférer la prescription au refus n’est plus.
Par un avis n°498803 du 11 avril 2025, le Conseil d’Etat opère un revirement de jurisprudence par rapport à sa décision Deville (ou Tanneron du 26 juin 2019, n°412429). Dans cette dernière, il avait jugé que, même en présence d’atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique (article R. 111-2 du code de l’urbanisme), l’administration ne pouvait refuser une autorisation s’il lui était possible de l’assortir de prescriptions, dès lors que celles-ci permettaient de supprimer ou limiter ces atteintes sans modifier la nature du projet.
D’où un refus opposé est illégal si une autorisation assortie d’une prescription légale (c’est-à-dire prise pour permettre la conformité du projet à la règle et sans dénaturer le projet) pouvait s’y substituer.
Cette solution avait été accueillie avec une certaine tolérance jurisprudentielle, notamment en raison des marges de manœuvre limitées du service instructeur durant l’instruction (en particulier s’agissant des demandes de pièces). En pratique, devant le juge, un pétitionnaire ne pouvait se prévaloir d’une prescription contre un refus qu’au regard des pièces initiales du dossier. La fenêtre contentieuse était dès lors très réduite, le juge se refusant à instruire a posteriori les demandes en lieu et place du service instructeur.
Dans l’affaire qui a donné lieu à l’avis du Conseil d’Etat du 11 avril 2025, il était question de savoir si les services instructeurs étaient aussi tenus, en cas de non-conformités minimes au règlement du PLU d’un projet qui leur était soumis, de préférer des prescriptions légales à un refus.
En effet, dans sa jurisprudence Deville, ou Tanneron, le Conseil d’Etat ne traitait que des prescriptions dans le cadre de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme (lequel permet textuellement de refuser une autorisation ou de l’assortir de prescriptions pour des raisons de salubrité ou de sécurité). Ce faisant, il ne traitait pas des prescriptions d’urbanisme en général, qu’il rattache au premier alinéa de l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme (CE, Section, 13 mars 2015, Ciaudo, n°358677).
L’enjeu de cette saisine pour le Conseil d’Etat était de clarifier sa position sur l’étendue de l’obligation faites aux services instructeurs en matière de prescriptions, une partie des juges du fond ayant commencé à faire une application de la jurisprudence Deville au-delà du cadre de l’article R. 112-2 du code (cf. CAA Nantes, 7 juillet 2023, n°21NT02563 s’agissant d’une application à l’article R. 111-5). Par ailleurs, la doctrine commençait aussi à s’en faire l’écho : « l’administration est tenue de vérifier si le projet, par lui-même contraire à une norme permissive, peut le cas échéant être autorisé en assortissant l’autorisation de prescriptions » (Olivier Le Bot, Droit de l’urbanisme 2025, §111.122).
Suivant les conclusions de la rapporteure publique, le Conseil d’Etat considère d’abord qu’il est loisible au pétitionnaire d’apporter des modifications à son projet pendant la période d’instruction, « le cas échéant après que l’autorité administrative » lui ait fait part de la non-conformité du projet initial pendant cette période. Ensuite, il considère que « l’autorité administrative dispose également, sans jamais y être tenue, de la faculté d’accorder le permis de construire ou de ne pas s’opposer à la déclaration préalable en assortissant sa décision de prescriptions ».
Au total, cet avis met fin à la jurisprudence Deville et précise que la possibilité de délivrer une autorisation en l’assortissant de prescriptions (en lieu et place d’un refus) n’est ouverte qu’au terme d’un dialogue entre le pétitionnaire et l’administration, lequel prendra place durant l’instruction.