Réforme de la prescription pénale

Réforme de la prescription pénale

Posted by Cabinet Gil-Fourrier & Cros in Publications internes 26 Jan 2018

La loi n°2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, parue au journal officiel du 28 février 2017, visait à rétablir une cohérence entre règles légales et construction jurisprudentielle.

L’établissement de délais de prescription répond à l’idée selon laquelle l’oubli est nécessaire et justifié, au-delà d’un temps raisonnable afin d’assurer la sécurité juridique.

Leur allongement par le législateur répond à une demande de la société, laquelle tolère de moins en moins l’impunité dont ont pu bénéficier certaines personnes par le passé, d’autant que l’on développe des moyens permettant de conserver et diffuser les traces laissées. D’autres États connaissent des délais plus longs et des cas d’imprescriptibilité plus nombreux (Canada, Allemagne, Espagne…).

Les délais de prescription et leur point de départ diffèrent selon qu’il s’agit de prescrire la peine ou l’action publique. La loi a apporté des modifications sur tous ces points, modifications qui sont d’application immédiate : elles s’appliquent à des infractions commises avant son entrée en vigueur, dès lors que la prescription n’est pas acquise lors de son entrée en vigueur.

La prescription de la peine fixe le délai à l’issue duquel sa mise à exécution ne sera plus possible[1]. Cependant la condamnation pénale demeure, l’inscription au casier judiciaire n’est pas effacée, mais la peine ne peut plus être appliquée.

Le délai de prescription des peines en matière criminelle reste de 20 ans, et en matière contraventionnelle de 3 ans. Le législateur porte le délai de prescription des peines délictuelles à 6 ans (5 ans auparavant). Les délais dérogatoires ne sont pas non plus modifiés.

Le point de départ de la prescription demeure la date à laquelle la condamnation est devenue définitive.

La prescription de l’action publique est le mode général d’extinction du droit de poursuivre. Elle sanctionne l’ignorance de la commission d’une infraction, l’inaction ou la négligence de la partie poursuivante.

Le législateur a en partie aligné les délais de prescription de l’action publique sur les délais de prescription de la peine : ils sont doublés en matière criminelle (20 ans) et délictuelle (6 ans au lieu de 3), mais inchangés en matière contraventionnelle (1 an).

Les délais dérogatoires ne sont pas modifiés. Les délais prévus en matière de diffamation, par exemple, par la loi sur la presse, ne sont pas allongés ; alors que leur brièveté fait l’objet de nombreuses contestations, notamment du fait de l’usage d’internet.

Une nouveauté importante a été apportée en matière d’infractions dites occultes ou dissimulées.

Avant la réforme, le régime légal fixait en principe le point de départ du délai de prescription au jour de la commission de l’infraction. Cependant, en cas d’infractions occultes ou dissimulées, la jurisprudence reportait le point de départ du délai au jour où l’infraction apparaissait et pouvait être constatée dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.

Le nouvel article 9-1 du Code pénal consacre le report du point de départ du délai de prescription pour les infractions dites occultes ou dissimulées, et définit ces infractions :

« Est occulte l’infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime ni de l’autorité judiciaire.

Est dissimulée l’infraction dont l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte ».

Il peut s’agir de prise illégale d’intérêts, de construction sans permis, implantation de bâtiments en zone agricole, travaux non conformes à l’autorisation obtenue ou contrevenant au plan local d’urbanisme (PLU), de délits de pollution des eaux, ou de rejets polluants de navires, de délits en matière d’installations classées ou de délits relatifs aux parcs nationaux et aux sites inscrits et classés… dès lors que ces infractions sont occultes ou dissimulées.

Le délai de prescription de l’action publique court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement de l’action publique.

Afin d’éviter une imprescriptibilité de fait, la loi crée un délai butoir de 12 ans en matière délictuelle et de 30 ans en matière criminelle[2].

Les délais butoirs, même s’ils sont applicables à des délits ou crimes occultes ou dissimulés commis avant l’entrée en vigueur de la loi, ne peuvent commencer à courir qu’à compter du 1er mars 2017. La loi ne remet pas en cause la validité des procédures valablement introduites au moment de son entrée en vigueur.

Malgré l’introduction de délais-butoirs, la prescription de l’action publique demeure assez longue, d’autant que le délai de prescription peut être suspendu par des obstacles de droit ou de fait. Le législateur consacre ici encore la jurisprudence.

[1] La prescription de la peine fait l’objet des articles 133-2 à 133-4-1 du Code pénal.

[2] Selon certains, l’énoncé de l’article 9-1 alinéa 3 serait maladroit (« sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder douze années révolues pour les délits et trente années révolues pour les crimes à compter du jour où l’infraction a été commise »). En effet les délais de prescriptions seraient inchangés, c’est la durée maximale de report du point de départ de la prescription qui serait de 12 ans (« Réforme de la prescription pénale : la mise en œuvre et les conséquences (in)attendues de l’application immédiate de la loi », Christophe Ingrain et Rémi Lorrain, Dalloz actualité, édition du 25 janvier 2018).