LETTRE DU CABINET – MAI 2021

LETTRE DU CABINET – MAI 2021

Posted by Cabinet Gil-Fourrier & Cros in Non classé 31 Mai 2021

Contentieux indemnitaire : De l’importance des accusés de réception.

L’avis de la section du contentieux du Conseil d’État du 19 février 2021 permet de souligner, s’il le fallait encore, le soin qu’il convient de porter à la rédaction des accusés de réception des réclamations préalables, notamment en matière indemnitaire.
D’un côté, les réclamations préalables permettent de lier le contentieux en matière de contentieux extracontractuel puisqu’en application de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, « lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle ».
A cet égard, l’avis précité précise que « la décision par laquelle l’administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d’un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l’égard du demandeur pour l’ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question » (CE, Avis, 19 février 2021, n°439366, point 2).
Les réclamations préalables jouent ainsi un rôle de cristallisation portant sur le fait générateur en cause.
D’un autre côté, les accusés de réception, et surtout les mentions relatives aux voies et délais de recours, permettent de déclencher les délais de recours.
On sait, en effet, qu’un requérant est recevable à saisir le juge administratif dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision de l’administration, mais qu’en l’absence d’accusé de réception comportant les mentions prévues par le code des relations entre le public et l’administration, les délais de recours contentieux contre une décision explicite ou implicite de rejet ne sont pas opposables à son destinataire (CE, 12 octobre 2020, n°429185).
Ainsi, dès lors que l’accusé de réception aura régulièrement mentionné les voies et délais de recours, le requérant ne pourra plus, une fois le délai de recours de deux mois expiré, « saisir le juge d’une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur », y compris si le recours porte sur de nouveaux chefs de préjudice (CE, Avis, 19 février 2021, n°439366, point 4).
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L’importance de la formalisation des accusés de réception se caractérise par le tempérament
apporté par le Conseil d’État aux effets de sa décision Czabaj, en application de laquelle un
requérant n’ayant pas été régulièrement informés des voies et délais de recours ne sera pas
recevable à saisir la juridiction au-delà d’un délai raisonnable d’un an à compter de la date à
laquelle une décision expresse ou implicite lui est acquise (CE, Assemblée, 13 juillet 2016, M.
Czabaj, n° 387763, p. 340 ; CE, 12 octobre 2020, Société Château Chéri, n°429185).
En effet, en matière indemnitaire, le délai d’action n’est pas enfermé dans le délai raisonnable
d’un an précité, mais suit les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968
relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les
établissements publics (CE, Avis, 17 juin 2019, n°413097). La décision de rejet d’une
réclamation indemnitaire qui ne ferait pas mention des voies et délais de recours laisse ainsi
au requérant un délai de quatre ans pour introduire une action en responsabilité à l’encontre de
l’administration.
Le soin qu’il convient de porter aux accusés de réception réside alors dans les effets juridiques
attachés au mécanisme de la décision confirmative qui rendra irrecevable le recours
contentieux initié par un requérant à la suite d’une décision de rejet de l’administration prise
sur un nouveau recours indemnitaire, mais tendant à la réparation des conséquences
dommageables d’un fait générateur ayant fondé une précédente réclamation indemnitaire
préalable déjà rejetée par l’administration (CE, 7 juin 2004, Assistance publique à Marseille,
n° 252869, T. p. 810).
Un accusé de réception régulier cristallisera donc le contentieux de la réparation des
conséquences dommageables d’un même fait générateur, la victime étant tenue de saisir le
juge dans un délai de deux mois suivant la décision rejetant sa demande et ne pouvant pas,
pour tenter de contourner la forclusion, saisir l’administration d’une nouvelle demande
préalable.
Enfin, le Conseil d’État rappelle l’effet relatif de la cristallisation dans la mesure où il est
toujours loisible à la victime de faire valoir devant le juge « des chefs de préjudice qui n’étaient
pas mentionnés dans sa réclamation » et de saisir l’administration puis le juge, dans les mêmes
conditions de recevabilité, d’une réclamation préalable relative au même fait générateur, mais
portant sur des dommages qui « sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute
leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation » (CE,
Avis, 19 février 2021, n°439366, points 3 et 5).