La future réglementation environnementale (RE 2020) et l’intégration des normes environnementales dans la commande publique

La future réglementation environnementale (RE 2020) et l’intégration des normes environnementales dans la commande publique

Posted by Cabinet Gil-Fourrier & Cros in Publications internes 28 Juin 2019

La future réglementation environnementale (RE 2020) et l’intégration des normes environnementales dans la commande publique

 

Maître Chantal GIL-FOURRIER étant intervenue le 11 juin 2019 au colloque OBEC-RE2020 en région Occitanie organisé par l’ADEME, il nous a semblé utile de revenir sur la future réglementation environnementale (RE 2020) et l’intégration des normes environnementales dans la commande publique.

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite loi ELAN, a inscrit, à article L 111-9 du Code de la construction et de l’habitation, la mise en place de la future réglementation environnementale (RE 2020) à partir de 2020.

L’article L 111-9 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que la RE 2020 aura pour finalité principale de déterminer les nouvelles exigences de performances énergétiques, environnementales et sanitaires que les constructions futures devront respecter dans un souci de lutte contre le changement climatique, de sobriété de la consommation des ressources et de préservation de la qualité de l’air intérieur.

A ce titre, il est prévu un décret en Conseil d’État qui devra notamment définir :

  • Les caractéristiques et performances environnementales des constructions en fonction de catégories de bâtiment
  • Le niveau d’empreinte carbone à respecter,
  • Les exigences en matière de stockage du carbone pendant le cycle de vie du bâtiment,
  • Les exigences en matière de recours à des matériaux issus des ressources renouvelables ou du recyclage,
  • Les exigences en matière de qualité de l’air intérieur des bâtiments,
  • Les catégories de bâtiments qui font l’objet, avant leur construction, d’une étude de faisabilité technique et économique.

 

Cette future réglementation environnementale a déjà fait l’objet de deux expérimentations.

La première expérimentation a été mise en place le 17 novembre 2016 avec la « Label E+C-» qui permet à tout maître d’ouvrage de participer à la construction de bâtiments et à l’évaluation de bâtiments récents à énergie positive et à faible empreinte carbone, suivant un référentiel établi par l’Etat : les participants peuvent se voir délivrer un label par un organisme certificateur agréé qui a pour objectif de valoriser les bâtiments pionniers et de préparer la future RE 2020 grâce aux retours d’expérience[1].

La seconde expérimentation a été l’instauration le 30 novembre 2018 du « Label Bas-Carbone » qui peut être attribué à des projets de réduction d’émissions de gaz à effet de serre portés par des personnes physiques ou morales[2] : les projets labélisés peuvent être financés par un partenaire volontaire (public ou privé), qui peut alors faire reconnaître sa démarche de compensation carbone.

Par ces nouvelles exigences, cette future règlementation environnementale constitue une nouvelle étape de la prise en compte de la performance environnementale dans le secteur de la construction.

Ce mouvement de prise en compte de la performance environnementale est déjà présent dans le corpus règlementaire relatif aux constructions sous maîtrise d’ouvrage publique et dans la commande publique.

Dans la commande publique, les prémices de l’intégration de la question environnementale sont observées avec l’admission par la Cour de justice de l’Union européenne des critères environnementaux dans les marchés publics[3] puis l’intégration du critère « performances en matière de protection de l’environnement » au sein du Code des marchés publics[4].

Ce mouvement s’est accru avec la directive 2010/30/UE du 19 mai 2010 qui a imposé aux acheteurs publics de prendre en compte la performance énergétique des produits qu’ils acquièrent au-delà d’un certain seuil, et la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 qui a permis de prendre en compte le cycle de vie complet des biens ainsi que de recourir aux Ecolabels.

Par suite, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a consacré le principe de l’exemplarité énergétique et environnementale : « Toutes les nouvelles constructions sous maîtrise d’ouvrage de l’Etat, de ses établissements publics ou des collectivités territoriales font preuve d’exemplarité énergétique et environnementale et sont, chaque fois que possible, à énergie positive et à haute performance environnementale […] »[5] et a imposé la prise en compte de la performance environnementale : « La commande publique tient compte notamment de la performance environnementale des produits, en particulier de leur caractère biosourcé[6]. Dans le domaine de la construction ou de la rénovation de bâtiments, elle prend en compte les exigences de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et de stockage du carbone et veille au recours à des matériaux issus des ressources renouvelables[7] ».

Le nouveau Code de la commande publique[8] impose désormais la prise en compte des objectifs de développement durable pour la définition du besoin de l’acheteur public[9] et consacre plus indirectement l’exigence de performance énergétique et environnementale.

Les nouvelles exigences environnementales prévues dans la RE 2020 (cycle de vie, empreinte carbone, stockage du carbone, matériaux issus des ressources renouvelables ou du recyclage, qualité de l’air etc.) pourront être intégrées dans le processus de passation des contrats administratifs par le biais de leviers juridiques mobilisables lors de la passation des marchés publics.

Concernant la définition du besoin du marché, les acheteurs doivent prendre en compte « des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale »[10].

La définition du besoin et le niveau de performance pourront être déterminés par des études et échanges préalables avec les opérateurs économiques ou la participation d’un opérateur économique à la préparation du marché[11], ainsi que par l’utilisation de labels (dont les labels E+C– et Bas-carbone cités ci-dessus)[12].

Les nouvelles exigences de la RE 2020 pourront aussi être pris en compte au titre des spécifications techniques : les acheteurs pourront ainsi fixer un seuil d’émissions de gaz à effet de serre, proportionné par rapport au marché, en tant que spécification technique[13] .

Les exigences de la RE 2020 pourront également être intégrées aux critères de choix de l’offre économiquement la plus avantageuse[14] soit sur le fondement d’un critère unique, soit d’une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution[15].

Si le choix est fondé sur un critère unique, l’article R 2152-7 du Code de la commande publique permet un choix fondé sur « le coût, déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de vie défini à l’article R. 2152-9 ».

Ce coût du cycle de vie[16] pourra intégrer, au-delà des coûts d’acquisition, d’utilisation et de maintenance, « les coûts liés à la fin de vie comme les coûts de collecte et de recyclage » ainsi « que les coûts imputés aux externalités environnementales et liés au produit, au service ou à l’ouvrage pendant son cycle de vie » dont « le coût des émissions de gaz à effet de serre et d’autres émissions polluantes ainsi que d’autres coûts d’atténuation du changement climatique »[17].

Si le choix est fondé sur une pluralité de critères, l’article R 2152-7 précité permet de prévoir un critère portant sur : « la qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l’accessibilité, l’apprentissage, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, le caractère innovant, les performances en matière de protection de l’environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture, d’insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal ».

Ainsi, si les modalités de mise en œuvre de la RE 2020 doivent encore être définies par un décret en Conseil d’Etat à paraître, il apparaît déjà que la commande publique va basculer de la possibilité pour les acheteurs publics d’intégrer des critères environnementaux  à l’imposition, dans le respect des principes de la commande publique, de prise en compte d’un certain nombre de ces critères environnementaux portant à la fois sur les besoins et la conception, les procédés constructifs et les matériaux utilisés.

Ne reste plus qu’à connaître l’interprétation qui sera faite par le juge administratif du principe de l’exemplarité énergétique et environnementale pour déterminer le niveau d’exigence attendu en matière de performance des futurs ouvrages réalisés sous maîtrise d’ouvrage publique.

 

[1] Dossier de presse MEEM-MLHD, « Construire ensemble la réglementation énergétique et environnementale du bâtiment », 17 novembre 2016

[2] Les conditions et le référentiels à respecter pour obtenir le label sont prévus dans un décret n° 2018-1043 du 28 novembre 2018 et un arrêté du 28 novembre 2018 NOR: TRER1818764A

[3] CJCE, 17 sept. 2002, Concordia Bus Finlande, aff. C-513/99

[4] Ancien article 53 du Code des marchés publics

[5] Article 8, II de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, complété par un décret n° 2016-1821 du 21 décembre 2016 et un arrêté du 10 avril 2017 NOR: LHAL1623032A relatifs aux constructions à énergie positive et à haute performance environnementale sous maîtrise d’ouvrage publique

[6] Article L 228-4 du Code de l’environnement

[7] Ajout par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite ELAN

[8] Issu de l’ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 et le décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018, il est entré en vigueur le 1er avril 2019

[9] Article L 2111-1 du Code de la commande publique

[10] Article L 2111-1 du Code de la commande publique

[11] Articles R2111-1 et R2111-2 du Code de la commande publique

[12] Articles R2111-12 à R2111-17 du Code de la commande publique

[13] Articles R 2111-7 à R2111-11 du Code de la commande publique

[14] Article L 2152-7 du Code de la commande publique

[15] Article R 2152-7 du Code de la commande publique

[16] Article 2112-3 du Code de la commande publique : « Le cycle de vie est l’ensemble des étapes successives ou interdépendantes, y compris la recherche et le développement à réaliser, la production, la commercialisation et ses conditions, le transport, l’utilisation et la maintenance, tout au long de la vie du produit, de l’ouvrage ou du service, depuis l’acquisition des matières premières ou la production des ressources jusqu’à l’élimination, la remise en état et la fin de l’utilisation du produit, de l’ouvrage ou la fin du service ».

[17] Article R 2152-9 du Code de la commande publique