ENVIRONNEMENT : PRINCIPE DE PRÉVENTION ET PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ : L’ACQUISITION D’UNITÉS DE COMPENSATION DE SITES NATURELS DE COMPENSATION

ENVIRONNEMENT : PRINCIPE DE PRÉVENTION ET PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ : L’ACQUISITION D’UNITÉS DE COMPENSATION DE SITES NATURELS DE COMPENSATION

Posted by Cabinet Gil-Fourrier & Cros in Publications internes 28 Nov 2019

ENVIRONNEMENT :

PRINCIPE DE PRÉVENTION ET PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ :

L’ACQUISITION D’UNITÉS DE COMPENSATION DE SITES NATURELS DE COMPENSATION

Le dernier rapport sur l’état de l’environnement en France, publié par le Ministère de la transition écologique et solidaire le 24 octobre 2019, confirme malheureusement une biodiversité sous pression et une érosion de la biodiversité (pages 41 et suivantes et 113 et suivantes du rapport de synthèse[1]) : Malgré l’extension de nombreux mécanismes de protection des espaces naturels et des espèces, la situation des écosystèmes terrestres, aquatiques et marins français demeure préoccupante (rapport de synthèse, résumé, page 10).

 

Parmi les pressions d’origine anthropique qui fragilisent l’état de la biodiversité en France[2], l’artificialisation du territoire, c’est-à-dire la transformation d’un sol à caractère naturel, agricole ou forestier par des actions d’aménagement, qui entraine la destruction et la fragmentation des milieux naturels, est notable : 65.800 ha ont en effet été artificialisés chaque année en métropole entre 2006 et 2015 (page 43 du rapport de synthèse).

 

Ce constat est l’occasion de revenir sur une nouvelle modalité, créée par la loi Biodiversité du 8 août 2016, de mise en œuvre de la compensation des atteintes à la biodiversité de la séquence ERC Evitement Réduction Compensation du principe de prévention et de correction des atteintes à l’environnement de l’article L. 110-1 II 2° du code de l’environnement :

 

Il s’agit de la création de sites naturels de compensation, opérations de restauration et/ou de développement de la biodiversité, permettant au maître d’ouvrage soumis à l’obligation de compensation, pour remplir cette obligation, d’acquérir des unités de compensation issus d’un site naturel de compensation (art. L. 163-1 et s. et D. 163-1 et s. du code de l’environnement).

 

Rappel des notions :

Biodiversité : On entend par biodiversité, ou diversité biologique, la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants (art. L. 110-1 I dernier alinéa du code de l’environnement).

 

Principe de prévention et de correction des atteintes à l’environnement : Principe d’action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. Ce principe implique d’éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit ; à défaut, d’en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées.

Ce principe doit viser un objectif d’absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité (art. L. 110-1 II 2° du code de l’environnement).

 

Sont soumis au principe de prévention et de correction des atteintes à l’environnement, et à l’éventuelle obligation de compensation : les projets, plans ou programmes soumis à évaluation environnementale et à étude d’impact (cf. nomenclature et liste des articles R. 122-2 et R. 122-17 du code de l’environnement), à autorisation environnementale unique (loi sur l’eau, ICPE, dérogation à la protection d’espèces protégées, évaluation des incidences Natura 2000, autorisation de défrichement), ou portant atteinte aux continuités écologiques (trames vertes et bleues).

 

Trois modalités de mise en œuvre des mesures compensatoires sont prévues par l’article L. 163-1 II du code de l’environnement, qui peuvent être cumulées par le maître d’ouvrage :

. Les mesures classiques de compensation dites à la demande, réalisées au cas par cas pour chaque projet, que sont la réalisation directe des mesures compensatoires par le maître d’ouvrage et la conclusion par ce dernier d’un contrat avec un opérateur de compensation.

. La nouvelle modalité de compensation, par l’offre, d’acquisition d’unités de compensation de sites naturels de compensation, permettant :

Une anticipation : les actions de restauration, réhabilitation, création ou évolution des pratiques de gestion sont entreprises avant la dégradation ou la perte de biodiversité engendrées par un projet, plan ou programme, permettant la création d’unités de compensation.

Une mutualisation : les sites naturels de compensation peuvent répondre aux besoins de compensation de plusieurs maîtres d’ouvrage. Les actions de compensation, de plus ou moins grande ampleur, s’intègrent alors dans une dynamique et une cohérence écologiques à l’échelle du territoire concerné, et dans la réalisation des politiques publiques traduites par des documents tels que le SRCE, le SRADDET ou le SDAGE.

Une gestion plus simple et plus sécurisée pour le maître d’ouvrage de son obligation de compensation : le maître d’ouvrage n’a plus à se préoccuper de la disponibilité du foncier ; le coût des unités de compensation est précisément et préalablement connu, de sorte que le maître d’ouvrage peut sans risques l’intégrer au coût d’objectif de son aménagement ; et les délais de mise en œuvre de la compensation sont réduits.

  • Les unités de compensation correspondent aux prestations de service réalisées par l’opérateur du site naturel de compensation (restauration, réhabilitation, création, gestion) ; il n’y a pas de transfert de propriété au maître d’ouvrage débiteur de l’obligation de compensation qui acquiert des unités de compensation.
  • La compensation par le biais d’un site naturel de compensation doit répondre aux mêmes principes que la compensation à la demande:

 

 

Equivalence écologique et absence de perte nette de biodiversité (art. L. 110-1 II 2° et L. 163-1 I du code de l’environnement) : sont identifiés et comparés les pertes résiduelles du projet, après application des mesures d’évitement et de réduction, et les gains assurés par les mesures compensatoires, ces gains devant être au moins égaux aux pertes.

 

Obligation de résultat, faisabilité et effectivité des mesures compensatoire pendant toute la durée des atteintes (pérennité) – art. L. 163-1 I 2e alinéa du code de l’environnement.

 

Additionnalité : les mesures compensatoires viennent en sus des actions publiques existantes ou prévues en matière de protection de l’environnement sur le territoire ; elles ne peuvent s’y substituer.

 

Proximité avec le projet pour en garantir les fonctionnalités de manière pérenne (art. L. 163-1 II alinéa 4 du code de l’environnement) : la notion de proximité relève de considérations écologiques et biogéographiques, de fonctionnalités, et non exclusivement géographiques ou de distance, en se fondant sur l’objet de la compensation qui doit avoir un impact réparateur pour les écosystèmes et leurs fonctions qui ont été dégradés, pour définir l’aire de service du site naturel de compensation, ou périmètre d’éligibilité des mesures compensatoires, c’est-à-dire la zone dans laquelle devront se trouver les projets d’aménagement soumis à l’obligation de compensation pour que les maîtres d’ouvrages soient autorisés à acquérir des unités de compensation.

 

Cette aire de service, qui est une donnée capitale pour apprécier la pertinence et l’utilité de la création d’un site naturel de compensation, pourra être plus ou moins étendue en fonction des milieux, habitats et espèces présents sur le territoire considéré, de l’existence de corridors écologiques, notamment.

 

A titre d’exemple, les aires de service proposées dans les deux demandes d’agréments en tant que site naturels de compensation, du site de Mare à Palfour à Montesson (Yvelines) et du domaine de Cossure à Saint Martin de Crau (Bouches-du-Rhône)[3], sont très étendues au regard de l’emprise des sites eux-mêmes (l’aire de service du site de Cossure couvre six départements, depuis le littoral méditerranéen de Gruissan à Hyères au Sud jusqu’à une ligne au Nord passant approximativement par Lodève, Alès, Pierrelate et Digne-les-Bains).

 

Responsabilité du maître d’ouvrage : le maître d’ouvrage reste seul responsable des mesures compensatoires à l’égard de l’autorité administrative qui les a prescrites, y compris s’il a eu recours à l’acquisition d’unités de compensation d’un site naturel de compensation.

  • Les sites naturels de compensation permettant la cession d’unités de compensation doivent être agréés et font l’objet d’un suivi et de contrôles (art. L. 163-4 et L. 163-5 et D. 163-1 et suivants du code de l’environnement).
  • Enfin, les sites naturels de compensation peuvent être créés et gérés par toute personne publique ou privée : exemple du Groupement d’Intérêt Public (GIP) BIODIF regroupant les départements des Yvelines et des Hauts-de-Seine, des établissements publics, des sociétés et des associations, et de la société CDC Biodiversité, filiale du Groupe Caisse des Dépôts.

 

En définitive, et au-delà des critiques qui ont pu être émises, d’une part sur la notion même de compensation écologique, au motif qu’il serait impossible de reconstituer à l’identique un écosystème détruit, et d’autre part sur la formule d’acquisition d’unités de compensation, au motif qu’elle consacre une marchandisation de la biodiversité[4], la création et la gestion de sites naturels de compensation doivent être considérées comme une opportunité pour les collectivités publiques d’un territoire, pour mettre en œuvre efficacement leurs obligations de compensation dans une dynamique de mutualisation, et de cohérence et de solidarité écologiques.

 

[1] Accessible sur le site internet du Ministère de la Transition écologique et solidaire.

[2] Principalement les pollutions de l’eau, des sols et de l’air, l’agriculture intensive, la surexploitation d’espèces sauvages, la pollution lumineuse, le changement climatique et l’introduction d’espèces exotiques envahissantes.

[3] Ces deux demandes d’agréments sont ouvertes à la consultation du public du 23 octobre au 11 novembre 2019 sur le site du Ministère de la Transition écologique et solidaire : – Site de Mare à Palfour, situé sur la commune de Montesson (Yvelines), présentée par le GIP BIODIF, – Site du domaine de Cossure, situé sur la commune de Saint Martin de Crau (Bouches-du-Rhône), présentée par la CDC Biodiversité.

[4] La compensation des atteintes à la biodiversité : de l’utilité technique d’un dispositif éthiquement contestable, Agathe Van Land, RDI 2016, p. 586.