De la régularisation en contentieux administratif de l’urbanisme

De la régularisation en contentieux administratif de l’urbanisme

Posted by Cabinet Gil-Fourrier & Cros in Publications internes 26 Fév 2018

Eprouvé dans le cadre du contentieux administratif général, le mécanisme de régularisation trouve une place singulière dans le contentieux administratif de l’urbanisme.
La réforme du contentieux de l’urbanisme  a permis d’étoffer les mécanismes de régularisation en complément de ceux déjà connus tel que la substitution de base légale , la substitution de motifs  ou encore la neutralisation des effets des vices de formes et de procédure .
Procédant à la codification d’une construction jurisprudentielle courante , le code de l’urbanisme envisage explicitement la possibilité de régularisation des autorisations d’urbanisme en cours d’instance dans le cadre d’une faculté procédurale offerte au juge administratif (L. 600-1-5 du Code de l’urbanisme).
Les possibilités de régularisation à l’initiative du bénéficiaire de l’autorisation ou de l’auteur de l’acte, et celles résultant de la mise en œuvre du pouvoir juridictionnel obéissent à des règles propres.
En effet, si la régularisation à l’initiative du bénéficiaire de l’autorisation ou de l’auteur de l’acte suppose que les travaux admis par l’autorisation initiale n’aient pas été achevés et que la régularisation n’emporte pas de modification de la conception générale du projet initial , la faculté de régularisation ouverte dans le cadre de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, ne dépend pas du non-achèvement des travaux qui ont fait l’objet de l’autorisation initiale .

En complément des mécanismes de régularisation des autorisations d’urbanisme, la loi ALUR du 27 mars 2014 a institué une autre faculté procédurale permettant au juge administratif de prononcer une annulation partielle d’un document d’urbanisme, d’une part, et de sursoir à statuer dans l’attente de la régularisation d’un vice de forme ou de procédure affectant le document d’urbanisme litigieux d’autre part.
Les modalités de mise en œuvre de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme ont été récemment précisée par le Conseil d’Etat dans un arrêt Commune de Sempy .
Après avoir rappelé que les dispositions de l’article L. 600-9 sont d’application immédiate aux instances en cours , le Conseil d’Etat a précisé qu’il « appartient à l’autorité compétente de régulariser le vice de forme ou de procédure affectant la décision attaquée en faisant application des dispositions en vigueur à la date à laquelle cette décision a été prise ».

Les éléments qui précèdent soulignent l’attachement du législateur et du juge administratif au principe de sécurité juridique face à l’inflation du contentieux de l’urbanisme, la recherche d’un équilibre entre le développement de la construction et le droit au recours .
Cependant, certains pourront voir dans le renforcement de la sécurité juridique au bénéfice des constructeurs et des auteurs des documents d’urbanisme un affaiblissement concomitant de la sécurité juridique au bénéfice des tiers .
A cet égard, il est possible d’évoquer les conséquences de la régularisation sur les condamnations au titre des frais de justice prévues par l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

En effet, l’on pourrait considérer que la régularisation par un acte secondaire témoigne de l’illégalité de l’acte initial et devrait ainsi conduire à la condamnation des défendeurs au paiement des frais de justice.
Or, le juge administratif a déjà eu l’occasion de condamner des requérants au paiement des frais d’instance en relevant qu’ils devaient être regardés comme « la partie qui perd pour l’essentiel » quand bien même le rejet de leur requête n’était permis qu’à la faveur d’une régularisation en cours d’instance .

La recherche de l’équilibre entre le développement de la construction et le droit au recours demeure d’actualité comme en témoigne le dernier rapport remis au Ministre de la cohésion des territoires le 11 janvier dernier.

 

 

  1. Ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 et son décret n° 2013-879 du 1er octobre 2013.
  2. CE, 3 déc. 2003, Préfet de la Seine-Maritime c/ El Bahi, n°240267 : consiste à écarter le fondement juridique erroné sur lequel repose la décision attaquée pour lui substituer un fondement juridique correct en vérifiant si l’intéressé a disposé des garanties dont est assortie l’application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être initialement prononcée et en appréciant si l’administration disposait du même pouvoir d’appréciation pour appliquer l’une ou l’autre des dispositions. Pour un exemple récent en droit de l’urbanisme : CE, 23 février 2017, n°390131.
  3. CE, 6 févr. 2004, Mme Hallal, n°240560 : consiste à substituer au motif erroné sur lequel repose la décision attaquée un motif justifiant cette décision en appréciant si l’administration aurait pu prendre la même décision en se fondant initialement sur ce motif. Pour un exemple récent en droit de l’urbanisme : CE, 26 avril 2017, n°400457.
  4. CE, 23 déc. 2011, n°335033, Danthony.
  5. CE, 2 févr. 2004, n°238315, SCI La Fontaine de Villiers.
  6. CE, 1er oct. 2015, n°374338, Commune de Toulouse.
  7. CE, 22 févr. 2017, n°392998, Bonhomme.
  8. CE, 22 déc. 2017, n°395963, Commune de Sempy.
  9. CE, 12 oct. 2016, n°387308.
  10. Le juge administratif et l’urbanisme, étude, 26 mai 2016, Conseil d’Etat.
  11. Tendance déjà identifiée en 1998 : La sécurité juridique contentieuse à l’épreuve de l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme, Simon WILLIAMSON, Université de Nantes, 1998.
  12. CE, 16 juin 2017, n°394677
  13. Propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace, sous le présidence de Christine Maugüé, conseillère d’Etat.