LETTRE DU CABINET – JANVIER 2017

LETTRE DU CABINET – JANVIER 2017

Posted by Cabinet Gil-Fourrier & Cros in Publications internes 30 Jan 2017

Vers une modification (encore incertaine) de la loi Littoral

 

Dès 2012, à l’issue du Grenelle de la Mer, la France posait les premiers jalons d’une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte visant une recomposition spatiale des territoires littoraux intégrant le développement durable dans ses dimensions environnementale, sociale et économique.

 

Le 1er décembre 2016, une proposition de loi a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale pour concrétiser les orientations envisagées par le comité de suivi de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte afin « d’inciter l’élaboration de stratégies locales s’appuyant sur des outils d’intervention capables de prendre en compte la temporalité très spécifique du risque lié à l’érosion et à l’élévation du niveau de mer »[1].

 

Jusqu’alors inconnu du droit positif, le phénomène du « recul du trait de côte » doit ainsi se fondre au sein du Code de l’environnement, emportant une véritable reconnaissance juridique et une intégration progressive dans différents documents, pour une meilleur gestion du risque, tels que les plans de prévention des risques (PPR), les schémas régionaux d’aménagement et de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), les schémas d’aménagement régionaux (SAR) et les schémas de cohérente territoriale (SCoT).

 

Devant concilier protection du milieu et gestion intégrée et concertée des activités au regard de l’évolution du trait de côte, la proposition de loi envisage d’introduire, au sein des PPR, un zonage spécifique adapté à la temporalité du recul du trait de côte devant notamment permettre la création d’opération d’aménagements adaptés à l’érosion[2].

 

La « Zone d’activité résiliente et temporaire » (ZART) concentrera un panel d’outils pour limiter la vulnérabilité des territoires, anticiper le risque et permettre la relocalisation des activités menacées.

 

Ainsi, la ZAART est pensée comme une zone de préemption comportant un droit de délaissement pour les propriétaires concernés autorisant également la mise en œuvre d’un nouvel outil : le bail réel immobilier littoral.

 

Ce nouveau bail doit permettre de prendre en compte la temporalité des activités soumises au risque du recul du trait de côte en prévoyant les conditions selon lesquelles les constructions, aménagements et exploitations peuvent être implantés, utilisés et déplacés en fonction du risque.

 

Au-delà de la pertinence des outils véhiculés par la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique, il était cependant possible de relever que le volet urbanistique de la gestion intégrée du trait de côte était éludé.

 

Constatant cette carence et déplorant que la loi Littoral, âgée de plus de 30 ans, pouvait constituer un frein à la relocalisation des activités menacées par le recul du trait de côte[3], le Sénat a adopté le 11 janvier 2017, en première lecture et en la modifiant[4], la proposition de loi.

 

Les sénateurs ont notamment inséré un article dérogeant au principe d’urbanisation en continuité (L. 121-8 C. Urb.) pour permettre l’urbanisation des dents creuses ainsi que la relocalisation des activités dans le cadre des ZART.

 

 

Cette modification, marginale et encadrée de la loi Littoral, apparait impérieuse alors que le Conseil d’Etat a encore récemment confirmé que les règles relatives à l’extension de l’urbanisation des communes littorales s’appliquaient pleinement aux activités prioritairement concernées par le recul du trait de côte[5].

 

 

La prochaine lettre du cabinet portera sur le même thème au regard de la jurisprudence obtenue par le cabinet.

[1] Extrait de l’exposé des motifs.

[2] J.-M. Pastor, Vers une définition juridique du recul du trait de côte, Dalloz Actualité, 7 déc. 2016.

[3] M. Vaspart, Sénateur, ActuEnvironnement, 9 janvier 2017.

[4] J.-M. Pastor, Les sénateurs jugent nécessaire l’adaptation au recul du trait de côte, 17 janvier 2017.

[5] CE, 16 déc. 2016, Commune de Pénestin, n° 389079 ; Diane Poupeau, Application de la loi Littoral aux campings, AJDA 2016, p. 2466