LETTRE DU CABINET – SEPTEMBRE 2016

LETTRE DU CABINET – SEPTEMBRE 2016

Posted by Cabinet Gil-Fourrier & Cros in Publications internes 28 Sep 2016

Constitutionnalité de la suppression de la clause de compétence générale

 

 

L’ambition du législateur de rationnaliser la répartition des compétences entre les collectivités territoriales s’est traduite par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi « NOTRe »).

 

Fustigée comme étant l’une des causes de la mauvaise maîtrise des dépenses publiques[1] et d’un enchevêtrement des compétences peu lisible[2], la clause dite de « compétence générale » des départements (L. 3211-1 CGCT) et des régions (L. 4221-1 CGCT) a été supprimée, une nouvelle fois[3], par la loi NOTRe.

 

Grands perdants de cet effacement de la clause de « compétence générale » qui leur permettait de se saisir de tout objet d’intérêt départemental pour lequel la loi n’avait donné compétence à aucune autre personne publique, les départements se sont engagés dans bras de fer juridique contre le gouvernement dont le résultat est connu depuis la décision du Conseil constitutionnel du 16 septembre 2016[4].

 

Après le rejet de ses demandes de suspension de deux circulaires relatives à l’application de la loi NOTRe[5] et le refus du Conseil d’Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant l’article L. 421-51-16 du CGCT[6], les espoirs de l’Assemblée des départements de France reposaient sur le sort réservé à sa QPC portant sur la constitutionnalité de la nouvelle rédaction des dispositions de l’article L. 3211-1 du CGCT supprimant la clause de compétence générale.

 

Pour renvoyer la QPC visant cette disposition, le Conseil d’Etat avait estimé que le moyen selon lequel l’article L. 3211-1 précité, « en privant les conseils départementaux de la compétence générale qu’ils détenaient auparavant d’intervenir dans les matières, qui n’avaient pas été attribuées par la loi à d’autres personnes ou collectivités publiques, afin de prendre des décisions ou de créer des services publics répondant à un intérêt public et aux besoins de la population »[7], méconnaitrait l’article 72 de la constitution, présentait un caractère sérieux.

 

Les espoirs entretenus par l’Assemblée des départements de France n’auront été que de courte durée puisque par sa décision en date du 16 septembre 2016, le Conseil Constitutionnel a entériné la suppression de la clause général de compétence en écartant le grief tiré de la méconnaissance du principe de la libre administration des collectivités territoriales « compte tenu de l’étendue des attributions dévolues aux départements par les dispositions législatives en vigueur, qu’il s’agisse de compétences exclusives, de compétences partagées avec d’autres catégories de collectivités territoriales ou de compétences susceptibles d’être déléguées par d’autres collectivités territoriales »[8].

 

Ainsi, la nouvelle organisation territoriale de la République s’articule autour de cinq degrés de compétence des collectivités territoriales : la compétence générale des communes (L. 2121-29 CGCT), les compétences légalement attribuées aux départements (L. 3211-1 CGCT) et aux régions (L. 4221-1 CGCT), les compétences partagées (L. 1111-4 CGCT), les compétences susceptibles d’être déléguées (L. 1111-8 CGCT) et les compétences nécessitant le concours de plusieurs collectivités territoriales (L. 1111-9 CGCT).

 

Cette nouvelle architecture peut conduire à s’interroger sur la possibilité d’atteindre, par la suppression de la clause de compétence générale, l’objectif de rationalisation et de lisibilité des compétences alors même que la rédaction suffisamment large de certaines compétences attribuées[9] et la justification d’un intérêt public local permettraient d’envisager des actions ne relevant pas strictement des compétences d’attribution[10].

 

 

[1] Rapport Lambert, « Les relations entre l’Etat et les collectivités locales », dec. 2007, p. 5.

[2] Rapport du comité pour la réforme des collectivités locales, « Il est temps de décider », 9 mars 2009, p. 29-32.

[3] Sur la vie, la première mort puis la courte résurrection de la notion cf. M. Verpaus, « Pavane pour une notion défunte – La clause de compétence générale, RFDA 2014, p. 457.

[4] Cons. Const., 16 sept. 2016, n° 2016-565 QPC ; M.-C. de Monteclerc, « La suppression de la clause de compétence générale conforme à la constitution », Dalloz Actu 21 sept. 2016.

[5] CE, 14 avril 2016, n° 397613.

[6] CE, 20 mai 2016, n° 397364.

[7] CE, 20 juin 2016, n° 397366.

[8] Cons. Const., 16 sept. 2016, n° 2016-565 QPC, cons. n° 6.

[9] Le Conseil départemental « a compétence pour promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale sur le territoire départemental, dans le respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des régions et des communes. » (L. 3211-2 CGCT).

[10] A ce titre, la circulaire du 22 décembre 2015 relative aux incidences de la suppression de la clause de compétence générale, envisage cette possibilité (p.3).