Cohérence en droit de l’urbanisme

Cohérence en droit de l’urbanisme

Posted by Cabinet Gil-Fourrier & Cros in Publications internes 27 Oct 2017

De la cohérence en droit de l’urbanisme

 

Par un arrêt Montpellier Méditerranée Métropole du 2 octobre 2017[1], le Conseil d’État s’est prononcé sur la question de la cohérence du règlement d’un Plan local d’urbanisme (PLU) avec les orientations de son Plan d’aménagement et de développement durable (PADD).

Même si l’intérêt de l’arrêt ne réside pas à proprement parler dans la solution du litige, cette solution illustrant le contrôle de la cohérence doit être évoquée.

Le PADD a vocation à définir la vision globale de l’aménagement du territoire portée par le PLU par des orientations d’aménagement, dont découleront le règlement et le zonage du PLU[2]. En toute logique, les textes[3] imposent une obligation de cohérence entre les orientations du PADD et le règlement du PLU.

En l’espèce, la juridiction administrative a considéré que le règlement du PLU maintenant un secteur en zone agricole, par nature inconstructible, n’était pas cohérent avec les orientations du PADD prévoyant dans ce secteur une zone d’extension économique et d’équipement nécessitant donc une urbanisation que le classement rendait impossible[4].

 

Cet arrêt mérite d’être relevé en ce qu’il apporte un éclairage sur la notion juridique de cohérence[5] qui coexiste, en droit de l’urbanisme, aux côtés des notions de conformité, de compatibilité, et de prise en compte.

Ces notions traduisent des niveaux d’intégration et d’opposabilité plus ou moins contraignants entre différentes normes, entre les différents éléments composant une norme ou entre une norme et un acte d’application.

 

Faute d’être définies par les textes, les notions ont été précisées par la doctrine et la jurisprudence.

La notion de conformité traduit un état de soumission et suppose le strict respect de la norme imposant une solution, une orientation précise, une obligation de faire ou de s’abstenir[6]. L’autorité devant s’assurer de la conformité ne dispose d’aucune marge d’appréciation et doit intégrer à l’identique dans sa décision la norme en cause, sans possibilités d’adaptation.

La notion de compatibilité se veut « plus souple » que celle de conformité[7]. Définie de manière négative, la compatibilité sera regardée comme une obligation de non-contrariété[8]. La compatibilité admet une marge de manœuvre[9] dont l’expression ne peut cependant conduire à ce que l’acte inférieur compromette l’application de la norme supérieure avec laquelle il doit être compatible[10].

La notion de prise en compte implique de ne pas ignorer la norme supérieure et interdit de « s’écarter des orientations fondamentales » de cette norme sauf à justifier d’un motif suffisant[11].

 

L’arrêt Montpellier Méditerranée Métropole, éclairé par les conclusions du rapporteur public, permet de parfaire ce tableau jusqu’alors incomplet.

La définition littéraire de la cohérence évoque l’harmonie, le rapport logique et l’absence de contradiction dans l’enchaînement des parties d’un tout[12].

D’un point de vue juridique, la notion de cohérence a été définie par rapport aux notions déjà existantes, le rapporteur public précisant que « la cohérence est sans doute plus que de la compatibilité et moins que de la conformité »[13].

 

L’arrêt Montpellier Méditerranée Métropole autorise ainsi à classer ces différentes notions selon l’intensité du lien qui doit être observé entre les éléments considérés.

 

 

[1] CE, 2 octobre 2017, Montpellier Méditerranée Métropole, n°398322 ; concl. Charles Touboul.

[2] concl. Charles Touboul

[3] L. 151-8 du code de l’urbanisme (anciennement L. 123-1-5).

[4] concl. Charles Touboul

[5] Jusqu’ici assez rare dans la jurisprudence du Conseil d’État (cf. CE. 12 oct. 2016, n°387308).

[6] CE, 10 juin 1998, SA Leroy Merlin, n° 176920 ; BJDU 4/1998, p. 242, concl. H. Savoie

[7] A.F. Roul, concl. Sous CE, 28 septembre 2005, n° 274706, Sté Sumidis et a., BJDU 2005, n° 5, p. 326

[8] CE, 10 févr. 1997, Assoc. pour la défense des sites de Théoule, n°125534 ; BJDU 1/1997 ;

[9] CE, 10 juin 1998, SA Leroy Merlin, n°176920.

[10] CE, ass., 22 février 1974, Sieur A. et a., n° 91848, Rec. p.145.

[11] CE, 17 mars 2010, Min. de l’écologie c/ FRAPNA, n° 311443 ; voir dans le même sens : CE 9 juin 2004, Assoc. Alsace nature du Haut-Rhin, n° 254174 ; BJCL 9/2004, p. 613, concl. F. Donnat. ; CE 28 juill. 2004, Assoc. de défense de l’environnement et autres, Fédération nationale SOS Environnement et autres, n° 256511 ; BJCL 9/2004, p. 613, concl. M. Guyomar, note J.-C. Bonichot.

[12] cf. la définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL).

[13] cf. p. 4 des conclusions de M. Charles Touboul